Si la vente en ligne par un particulier de quelques objets peut s’apparenter anodine, gare à celui qui pratique cette activité de manière habituelle car il encourt le risque d’être qualifié de vendeur professionnel.
Lire la décision Tribunal d’instance du 2ème arr. de Paris, jugement du 7 septembre 2015
Tel est le sens de la présente décision, par laquelle le tribunal d’instance du 2ème arrondissement de Paris vient rappeler les règles du droit commercial pour les appliquer à l’activité de e-commerce.
En l’espèce, un particulier vendant des produits hi-tech sur le site de Priceminister, à l’occasion d’un litige, assigne en paiement la société éditrice de ce site devant le tribunal d’instance. Cette dernière fait alors valoir in limine litis l’incompétence de la juridiction civile au motif que c’est au tribunal de commerce de connaître des contestations relatives aux actes de commerce entre toute personne, conformément à l’article L. 721-3, 3° du code de commerce.
Le tribunal d’instance accueille l’argumentation de la société Priceminister. La juridiction retient notamment que le demandeur a réalisé entre le 10 juillet 2009 et le 2 mai 2012 plus de 80 ventes de produits hi-tech et qu’ainsi il a perçu de ces ventes un revenu mensuel d’environ 222€. Or, pour le tribunal d’instance, cette activité correspond à la définition que l’on peut donner de l’acte de commerce à savoir « l’acte qui réalise une entremise dans la circulation des richesses, effectuée dans l’intention de réaliser une profit pécuniaire » et, par conséquent, se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce.
Cette solution est en tout point conforme à la définition de l’acte de commerce, posée par l’article L. 110-1 du code de commerce, pouvant notamment consister en l’achat pour la revente de biens meubles, et à la définition du commerçant, posée par l’article L. 121-1 du même code, entendu comme celui qui exerce des actes de commerce à titre de profession habituelle.
L’intérêt de cette décision est de montrer que le statut du vendeur particulier est facilement requalifiable en celui de vendeur professionnel. Entre la vente occasionnelle et la vente habituelle de biens meubles sur Internet, la frontière se révèle parfois incertaine. En l’espèce, si les ventes effectuées par le particulier ne dépassaient pas 3 transactions par mois, le tribunal retient surtout que l’intéressé avait « perçu de ces ventes un revenu mensuel d’environ 222€, ce qui, nonobstant l’importance de cette somme qui, en tout état de cause, ne saurait être considérée comme négligeable, caractérise bien l’existence d’un profit pécuniaire incontestable. »
Les conséquences d’une telle requalification sont au demeurant multiples et non négligeables, et dépassent la seule question de la compétence judiciaire. On peut notamment rappeler que le droit de la consommation qui, s’il ne s’applique pas en présence d’une vente en ligne entre deux particuliers [1] trouvera à s’appliquer en présence d’un vendeur reconnu comme professionnel. Les dispositions des articles L.121-19 et suivants du code de la consommation, relatives aux contrats conclus à distance (information du consommateur, droit de rétractation, etc.) devront être respectées. Egalement, le défaut d’immatriculation d’un particulier accomplissant habituellement des actes de commerce sera jugé constitutif de travail dissimulé [2], au sens de l’article L. 324-10 du Code du travail. De même, « sur le plan fiscal, l’administration peut aussi tirer les conséquences de toute activité professionnelle », rappelait en 2008 le Ministre de l’économie dans une réponse ministérielle [3], annonçant alors la mise en place prochaine du statut d’auto-entrepreneur pour résoudre cette insécurité juridique.
L’adoption du statut d’auto-entrepreneur – ou d’un autre statut professionnel – s’avère effectivement prudente pour les particuliers exerçant de façon plus ou moins habituelle une activité de vente en ligne. En optant volontairement pour un tel statut, le vendeur évite ainsi une requalification par le juge de son statut et connaît d’emblée l’étendue de ses droits et obligations.
[1] TI Dieppe, jur. proximité, 7 févr. 2011, Igor D. c/ Priceminister
[2] TGI Mulhouse, corr., 12 janv. 2006, Min. public c/ Marc W. ; Mme Garnier, prés. ; M. Litolff et Seitz, juges assesseurs ; Me Facchin, av. : legalis.net
[3] Rép. Min. n°29592, Journal Officiel 7 octobre 2008
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Illustration : Pickawood, Unsplash License https://unsplash.com/photos/gf8e6XvG_3E
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Gaëtan Bourdais, Avocat
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